Les Conards de Rouen - Les Triomphes de l’abbaye des Conards XIX
Par Christian Domec le jeudi 28 janvier 2010, 20:32 - Les Conards de Rouen - Lien permanent
Et tost aprés, venoyent en diverses bandes le nombre de six à sept vingts personnes à cheval, tous différens d’abits faits en nouvelle façon, la plus grand partie de drap de soye en broderie, bien emplumacez tant hommes que chevaux. Et y avoit aux parties de devant, du millieu et de derriere, le nombre de quarante fallots flambans, avec force tabours, phiffres, cornemuses, cymballes, hautbois. Et tant y avoit d’exquises devises, rebus et singulieres inventions d’abits et accoustremens, qu’il n’est possible totallement les descrire, et encores moins les exposer ou entendre considerer leurs mines et comme ils se contenoyent ; car les uns se natoyent trop mieux que les autres.
Aprés, marchoyent douze hommes vestus en dueil, et chapperons en la teste en babelou. Par dessoubs leurs abits chacun un soye de satin blanc, découppé bouffant de taffetas vert renoüé de boutons d’or, la plume blanche attachée sur l’aureille audit chapperon. Leurs chevaux vestus d’attrapeures de drap noir en forme de dueil ; lesdites attrapeures et abits semez de testes de mort. Leur porte-enseigne avec leur conducteur montés et accoustrés de leur pareure, en laquelle enseigne ou banniere estoyent figurez d’un costé cinq enfans, lesquels jouoyent aux noix, et y avoit escrit : Pere en fosse.
De l’autre costé y avoit deux personnages abillez en dueil qui mettoyent leur pere en terre, et un autre qui les regardoit en pitié. Un chacun d’eux avec leur conducteur avoit deux lignes de rithme en un petit tableau attaché à l’une de leurs manches, dont le premier portoit ce qui ensuit, et les autres comme ensuivant :
Premier.
Aprés des peres le decez,
Nous mondanisons par excez.
Deuxiéme.
Moy qui suis nouveau heritier,
De pere en fosse avois mestier.
Troisiéme.
Puis que nous avons pere en fosse,
Affillons des perles d’Escosse.
Quatriéme.
Pere en fosse m’est bien venu,
Car je suis riche devenu.
Cinquiéme.
Pour bien joüer aux noix de sorte,
Le pere en fosse tout emporte.
Sixiéme.
J’ay pere en fosse et gaigné tout,
Mais bien en trouveray le bout.
Septiéme.
Du pere en fosse j’ay du bien,
Mais en bref je n’auray plus rien.
Huitiéme.
Des biens mon pere fait excez
En banquets, jeuz, et procez.
Neufiéme.
Aprés les jours de mon pere et trespas,
J’ay force biens dont feray maints repas.
Dixiéme.
De mon pere ay succession
Dont auray pourpoint et selon.
Unziéme.
Du bien, mon pere decedé,
J’en mettray au hazard du dé.
Douziéme.
D’amasser biens mon pere a eu grand soing ;
Pour les garder sçavoir me fust besoing.
Le Conducteur nommé Mauduit.
Pour me suivir (laissez bien faire)
De vos biens vous feray deffaire.
Le Porte-enseigne.
Le pere en fosse a remplumé
Le fils de longtemps desplumé.
in Les Conards de Rouen, 2009.
Commentaires
Mon Dieu que tout cela est donc mystérieux. Mais á qui aide et secours demander ?
Vivement l'éte.
moi je trouve cela très réjouissant,même si la morale de toute cette histoire parait cynique..à savoir qu'un fils est ravi de la mort de son père et de se retrouver tout emplumacé,elle montre qu'à l'époque la mort n'avait pas le côté tragique qu'elle prendrait plus tard..on se gaussait de tout..
enfin c'est ma version..j'aime à l'imaginer ainsi.
sans doute Roseau ne la verra pas du même oeil!
lire ces termes anciens est un régal..